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AVANT-PROPOS
L'oeuvre de Percy Nobbs
mérite amplement l'intérêt que lui accordent Susan Wagg
et le Musée McCord. Cette monographie de madame Wagg et l'exposition
qui l'accompagne sont une contribution longtemps attendue aux études
sur l'architecture canadienne. Comme il convient, cette exposition sera d'abord
présentée au Musée McCord, ancien centre social des étudiants
de McGill et premier bâtiment canadien de Nobbs, et se rendra ensuite
à la Ring House Gallery de l'université d'Alberta à Edmonton,
où Nobbs a joué un rôle important en tant qu'architecte
et planificateur. Deux autres musées présenteront l'exposition
en 1983: le Nickel Arts Muséum à l'université de Calgary,
et le Agnes Etherington Art Centre- à l'université Queen.
Nobbs vint au Canada pour
devenir le deuxième titulaire de la chaire Macdonald d'architecture
et directeur de l'école d'architecture de McGill en 1903. Il trouva
que son prédécesseur, le professeur Stewart Henbest Capper,
avait fait une bonne uvre de fondation en termes de matériel
et de bibliothèque, mais en novembre 1903, peu après le début
des cours, il écrivit au directeur pour lui demander de remplacer Andrew
Taylor comme architecte de l'université et souligna que «les
étudiants de 4e année auraient intérêt à
voir l'exécution de divers designs et à avoir accès aux
travaux qu'exigé l'entretien d'un endroit comme celui-ci. » La
question ne fut pas résolue aussi simplement, mais Nobbs insistait
pour que ses «réussites professionnelle et professorale soient
indissolublement liées» et en avril 1904, il reçut la
permission de s'associer à une firme d'architectes. Il souligna depuis
le début que la pratique était la meilleure des explications;
c'était son mot d'ordre pédagogique.
Les cours d'architecture
avaient à peine commencé à se donner dans les universités.
Il n'en demeurait pas moins que la plupart des architectes britanniques étaient
formés par des stages dans les bureaux des praticiens actifs, mais
en Amérique, où les occasions de recevoir ce type de formation
étaient plutôt rares, on avait demandé aux universités
d'intervenir. De toute évidence, Nobbs croyait pouvoir réaliser
un compromis entre les systèmes américain et britannique à
McGill, qui après tout voyait d'un bon il l'enseignement par
l'expérience en sciences et en médecine. Les premiers bâtiments
importants de Nobbs furent donc conçus pour l'Université, et
leur composition, leurs dimensions et leurs proportions restent encore des
leçons imposantes de civilité.
Inévitablement,
sa réputation d'architecte devait franchir les murs de l'université
et en 1911, il dut abandonner la direction de l'école et devenir simple
professeur de design - poste qu'il a gardé jusqu'en 1940. De 1910 à
1944, il fut associé à George T. Hyde, l'un des premiers étudiants
de Capper. En plus des contrats de design de McGill, la firme de Nobbs et
Hyde entreprit le design de bâtiments scolaires pour la Commission des
écoles protestantes de Montréal; le plan et les premiers bâtiments
universitaires de l'université d'Alberta; les bureaux montréalais
de la Liverpool and London and Globe Insurance Company; les boutiques et les
édifices à bureaux de Henry Birks and Sons; plusieurs clubs;
des intérieurs d'église; et de nombreuses maisons unifamiliales
et en rangée pour de riches clients et des artisans. Conscient de ses
devoirs de professeur, il choisissait ses contrats avec soin et fit de chacun
un modèle sur lequel reposait sa réputation. Et pourtant, son
rôle d'enseignant à de futurs architectes professionnels était
incomplet; sa nature et sa formation lui avaient fait prendre conscience que
la qualité d'un bâtiment reposait sur l'efficacité des
constructeurs et surtout sur le talent des artisans. Les belles compositions
et les documents imposants ne suffisaient pas. Il pressait sa clientèle
d'employer des firmes d'excellents artisans et reconnaissait la valeur de
leur travail. Il était évidemment peiné de voir l'un
d'eux entraîné aux États-Unis par de meilleures perspectives
d'avenir et de meilleurs salaires.
Depuis son arrivée
au Canada, Nobbs avait régulièrement écrit des articles
pour les journaux professionnels. Ses conférences sur le dessin architectural,
le blason décoratif, le plâtre décoratif, la lumière
du jour, la lumière du soleil, l'éclairage naturel des galeries
d'art, le logement, l'urbanisme et la formation universitaire en architecture
ont souvent été publiées textuellement. Une conférence
largement diffusée, «Architecture in Canada», présentée
au Royal Institute of British Architects en 1924, résumait son point
de vue sur les arts du bâtiment d'ici au milieu de sa carrière.
Cinq ans plus tard, dans son discours présidentiel au Royal Architectural
Institute of Canada, il reprit le sujet et ajouta ses commentaires sur l'impact
de «l'architecture d'un réalisme intransigeant» qui venait
alors d'apparaître en Europe, à distinguer de l'architecture
plus douce où la fantaisie était permise, comme au théâtre.
Il conseilla d'accepter «la mécanisation de la production de
masse » tout en conservant en même temps «une place à
l'artisan adroit». Vers la fin de sa carrière de professeur,
afin d'encourager les architectes à réfléchir sur les
facteurs universels (la mécanisation en était exclue) dans la
dérivation de la forme, il a réuni dans un livre intitulé
Design les préceptes et les réflexions de toute une vie. Le
livre laissa les critiques perplexes et, non sans raisons peut-être,
ils jugèrent que son contenu n'avait rien à voir avec l'architecture
du monde industrialisé, et son humanisme pénétrant leur
échappa. S'il a déçu du point de vue de son objectif
original, Design est une mine d'informations sur Nobbs lui-même, ses
priorités et ses opinions sur la forme, souvent illustrées par
ses dessins des rivages, des forêts et des rivières du Canada
qu'il aimait profondément. Nobbs, sportif et partisan réputé
de la défense de l'environnement, comprenait et respectait la nature
mieux que la plupart des hommes. Son expression «Attendez que souffle
le vent du nord» résume bien son opinion sur l'impact ultime
du climat sur les bâtiments canadiens.
À l'exception
des bureaux du Liverpool and London and Globe, stupidement démolis
il y a quelques années pour faire place à un des produits les
plus médiocres de la mécanisation, l'on peut encore admirer
les bâtiments de Nobbs. En outre, de merveilleux dessins originaux et
des photos de ses oeuvres, donnés à McGill par son fils Francis
Nobbs, sont conservés à la bibliothèque Redpath, qui
possède également des copies de ses publications. Ces quatre
dernières années, Susan Wagg a fouillé ce matériel,
tout d'abord au cours de ses études en architecture canadienne, et
plus récemment, pour la préparation de cette monographie et
le choix de la documentation pour l'exposition sur Nobbs.
Susan Wagg est tout à
fait qualifiée pour le travail qu'elle a entrepris. Madame Wagg ajoute
à cette étude la sensibilité de l'historienne de l'art
qui s'est penchée sur la formation de Nobbs, le milieu dans lequel
il a travaillé et les objectifs qu'il s'est fixés. Elle possède
un B.A. spécialisé en histoire de l'art du Wellesley Collège
et une maîtrise en histoire de l'art canadien de l'université
Concordia. Son mémoire, présenté en 1979, s'intitule
«The McGill Architecture of Percy Erskine Nobbs». Elle a présenté
des exposés sur Nobbs en 1978 et 1980 pour la Société
pour l'étude de l'architecture au Canada et la James McGill Society,
et elle est l'auteur de «Percy Nobbs at McGill», dans le numéro
d'août de Canadian Héritage. En 1981 elle s'est rendue en Grande-Bretagne,
où Nobbs avait reçu sa formation, pour étudier l'architecture
victorienne et édouardienne, et elle vient récemment de donner
des séminaires sur les personnages et l'époque qui ont joué
un rôle dans la formation de Nobbs. Dans cette monographie, les origines
de Nobbs ont été étudiées et les uvres choisies
ont été examinées de façon à réévaluer
sa contribution à l'évolution de l'architecture au Canada.
Je suis très heureux
de voir l'emploi qu'on a fait de la collection d'architecture canadienne de
McGill, et j'apprécie qu'on m'ait donné l'occasion d'y contribuer
dans la mesure de mes moyens.
John Bland
[1911-2002]
Professeur honoraire à la faculté d'architecture
Université McGill
Montréal
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